Bull market, Bear market : mais qui sont réellement ces animaux qui font le marché ?

Maxime Loves Cryptos
20 min readMar 17, 2019

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Dans cet article, je vous propose de faire un point sur la psychologie du marché. Souvent, le débutant considère que la psychologie est un point secondaire, qu’il vaut mieux bien maîtriser l’analyse technique d’abord. Grave erreur ! Les conditions psychologiques sont les premières choses à déterminer lors de l’analyse d’un marché. Vous pouvez avoir un superbe signal technique, mais si c’est la panique générale, ça ne donnera rien.

C’est quoi le marché d’ailleurs ? Votre prof d’économie, ainsi que l’énième « formateur » à la méthode gagnante trouvé sur Youtube (tellement gagnante qu’il est d’ailleurs obligé de la vendre très cher au grand public afin de stabiliser des revenus de trading très aléatoire), vous ont expliqué que c’est la rencontre de l’offre et de la demande, entre des agents rationnels qui échangent des biens et des services à un prix donné, gnagnagna…

Les êtres humains sont-ils vraiment ces fameux agents rationnels qui prennent systématiquement la meilleure décision ? Bah non, vous vous en doutez bien ! Ils font le marché selon des dispositions psychologiques données. L’être humain, c’est l’une des seules variables du marché dont les règles sont permanentes. Du coup, ça a un intérêt de bien la maîtriser, non ?

Tel l’être humain, le marché passe donc par des sentiments et des états, qui vont et viennent plus ou moins brutalement, et qui par conséquent altèrent sa rationalité.

En théorie, le prix d’un actif, ce devrait donc être le fruit de l’équilibre parfait entre l’intérêt de l’acheteur et l’intérêt du vendeur. Dans la réalité psychologique, le prix, c’est rien d’autre que la bêtise du dernier acheteur. Relisez cette phrase en jetant un oeil à votre portefeuille d’altcoins. 😜

Au fil de votre découverte des cryptos, et en parallèle, de la finance, vous avez pu constater que les gens faisaient référence à deux animaux : le taureau et l’ours. Vous lisez souvent « c’est bull », « c’est bear ». Ces animaux symbolisent l’action haussière et baissière du marché selon comment ils attaquent leurs cibles : le taureau encorne une cible de bas en haut, l’ours frappe d’un coup de patte de haut en bas. Vous avez d’ailleurs souvent des statues symboliques devant les grandes places financières :

Le fameux “Charging Bull” et la “Fearless Girl” dans le Lower Manhattan. Dans le marché, vous vous sentez plutôt comme le taureau, la fillette qui le défie, ou l‘un des pigeons autour ?
Des statues moches à l’Allemande, devant la bourse de Francfort.

C’est bien beau ces symboles, mais en fait, quelle est la bataille d’animaux qui se joue réellement dans le marché ? Celle d’une somme d’être humains qui s’achètent et se revendent des trucs. Ainsi, le marché est régi par les principes de la psychologie des foules.

Le marché est une foule humaine, régie par des mécanismes primitifs

En matière de psychologie, l’être humain est ainsi fait : il est grégaire, ce qui engendre chez lui une psychologie différente du moment où il est seul, ou du moins dans un contexte qui lui demande de se comporter tel un individu singulier, comme au travail par exemple.

Bien que j’émette parfois quelques doutes là-dessus, un individu libéré de l’attraction de la foule se sert d’un instrument génial à sa disposition sous son crâne : le cerveau. Ce truc lui permet d’apprendre, de se remettre en question, d’exercer un esprit critique sur les choses et de voir que la vie c’est pas tout blanc ou tout noir, mais plutôt 50 nuances de gris. 😈

Mais l’individu, lorsqu’il est au sein d’une foule, il s’en fout de ce truc. Il se transforme en mouton. Du cerveau, il n’en n’utilise que les fonctions primitives. Il aime les choses simples, basiques. Il est binaire : « c’est bien/c’est mal », « on a gagné / on a perdu », « ça monte / ça baisse ».

La foule ne cherche pas à comprendre. Elle réagit. Par conséquent, elle est pilotée par les émotions, par les idées simplistes, plutôt que par la raison. Elle réagit selon la parole de ses leaders, des slogans, des chansons, des photos trash, des exactions choquantes en apparence, etc… Elle suit sans discuter le chemin qu’imprime le berger, aidé par ses chiens de garde pour ramener les récalcitrants dans le troupeau.

« Veux-tu avoir la vie facile ? Reste toujours près du troupeau, et oublie-toi en lui ». Nietzsche

Qu’est ce qui fait que les gens se constituent en foule ? L’expérience commune. Le marché, ce n’est jamais qu’une grosse foule de gens qui vivent une expérience commune. Le groupe se consolide et se renforce dans ses convictions au fur et à mesure des épreuves que vivent ensemble les individus qui le composent. Souvent, ils « se montent les uns les autres », jusqu’à atteindre un point culminant, où les choses se retournent. Un événement suffisamment fort survient et casse une conviction. C’est ce qu’on appelle le sommet de marché.

Le marché, c’est donc une somme d’individus qui vivent des réussites et des échecs ENSEMBLE, qui ont confiance ou pas confiance ENSEMBLE. Ils se montent la tronche ENSEMBLE, très fort, très loin, jusqu’à ce qu’ils tombent sur plus fort que leurs certitudes, ou qu’ils soient matés par une force face à laquelle ils ne peuvent s’opposer. De là, ça retombe.

Freud, qui considérait que miser de l’argent était un acte d’excitation assimilable à la masturbation, vous aurait dit que les marchés financiers, ce ne sont jamais que des individus qui commettent un acte sexuel ENSEMBLE, dont le sommet de marché est la jouissance. C’est pour cela qu’une montée serait irrésistible. Quand ça chute et que ça fait mal, ce n’est rien d’autre que la punition reçue par la figure paternelle en colère qui vous ramène à la raison, incarnée ici par le marché. #psychologiedecomptoir

Du moment qu’on prend, ou qu’on cherche à prendre une position, on rejoint le marché. Et donc la foule ! Puisque Marché=Foule.

Vous l’avez maintenant compris, l’individu au sein d’une foule réagit donc selon les divers stimulus du moment et non pas selon une analyse froide, sans à priori, sans préparation, sans réfléchir aux conséquences sur l’avenir. La foule n’a pas la notion du temps, de l’avant et de l’après. Elle vit dans l’instant.

C’est pour ça que le trader compose toujours un plan d’action, après une analyse, avec des points d’entrée / de sortie, et un plan B. Ce qui se passe entre-temps, il s’en fout. C’est le bruit de la foule. Il se focalise sur le processus, le déroulé du plan, et si ça va contre son sens, il coupe. L’effet de foule est irrésistible, on est tous concernés. Le plan permet de s’en prémunir, d’être notre guide, et de nous ramener à la raison.

Voilà. C’est pour toutes ces raisons que vous devenez cette bête sous pression, agitée par plein de ressentis, et qui se met à faire n’importe quoi avec son capital aussitôt devant le carnet d’ordres, même si à chaque fois vous vous le jurez : « la prochaine fois, j’me ferai pas avoir !!! ». Ça, c’est votre sentiment de culpabilité post-masturbation qui parle.

Le Bull et le Bear market, ou la binarité de la foule

La foule, en bon troupeau de moutons binaires, ne comprend donc que deux états de marché : #Cébull / #Cébear.

Nous allons voir ici que ça va plus loin que la simple traduction de « tendance en hausse » et « tendance en baisse ». En fait, Bull et Bear, ce sont des états de perception du marché totalement différents, qui engendrent leurs propres logiques psychologiques chez l’individu et au sein du groupe.

*CryptoFitGirl* publie ponctuellement sur son fil Touiteur un visuel du taureau et de l’ours pendant qu’une tendance s’exprime, de manière à témoigner d’une pleine compréhension des marchés de sa part. Les garçons valident par un p’tit coeur, dans l’espoir semi-conscient de capter son attention, attisés par ses jolis yeux, disons. (La foule, les choses primitives, tout ça... Et la foule ici, elle est statistiquement composée à 85% d’hommes qui ont la testostérone agitée par l’argent.😉)

Ce qu’elle ignore par contre, c’est qu’il y a une symbolique comportementale à travers la figure du taureau et de l’ours, qui va plus loin que le « frappe de haut en bas ou de bas en haut » :

  • Le taureau est d’un caractère fonceur. Quand il charge, aucun obstacle ne l’arrête. Il fonce, il suit la tendance qu’on lui imprime. Le chiffon s’agite, il fonce dessus, sans donner l’impression de réfléchir. Ça, c’est nous, le public masculin à 85% chargé de testostérone dans la bulle de 2017.
  • L’ours est d’un caractère prudent. Il observe, reste en retrait, tourne autour de la cible. Et d’un coup, il frappe, choppe le poisson ou le nid d’abeille, et se retire au premier signe de danger. Ça, c’est les gens essayant de jouer l’un des rares pumps de 2018.

Pour rester dans la thématique animale de l’article, détaillons les caractéristiques du bull market avec un autre type de bestiau : le FOOTIX.

Le BULL Market

En un mot, c’est un progrès.

C’est un état de marché où les gens qui n’en n’ont rien à faire du foot en temps normal, deviennent de gros FOOTIX, au fur et à mesure des victoires de l’équipe nationale en éliminatoires et d’un enthousiasme général grandissant.

Ils n’y comprennent rien, mais s’improvisent experts et vous expliquent ce qu’il se passe. Leur hauteur d’analyse consiste souvent à cumuler les poncifs du genre « l’attakan phare é tro for et ke tte fasson, on as une défanse solid », « l’équip es pa bonne en 4–3–3 ». Et les gens suivent. De toute façon, on ne peut qu’être gagnant, tout le monde le pense, le voit, Pierre Menès c’est un nul dans ses pronos, donc CHERCHE PAS à dire des trucs dans l’autre sens !

Nous sommes ainsi dans un état psychologique de plein optimisme. Ce qui est négatif, les signaux de faiblesse, c’est souvent relativisé, minoré. Le bull market a ainsi tendance à avoir assez peu de mémoire. Et puis on est toujours plus prompt à pardonner et à passer à autre chose quand on est dans un état psychologique positif, optimiste. Dans les graphiques, ça se traduit par le fait que les corrections sont assez peu retraçantes, avant une poussée haussière d’autant plus forte et soutenue.

Chez l’individu, tous les sentiments optimistes et les molécules du bonheur sont activés. L’être humain est dépendant du bonheur et de toutes ses endorphines qui le font se sentir bien. C’est pour cela qu’il a du mal a arrêter les choses qui vont bien, même quand il a conscience que c’est pas bon pour lui. Il a cette mauvaise manie qui consiste à prolonger les bons moments au-delà de ce qu’il serait raisonnable.

De toute façon, notre attention est focalisée pour un moment, on ne voit plus les signaux de faiblesse, on entre dans notre bulle. Trop tard. A ce moment là, tous les arguments sont bons pour faire monter le marché. Même les arguments baissiers ! Bad news is good news.

De là, deux issues. La foule peut se comporter en adulte raisonné. Le bull market arrive tranquillement à sa fin. Les idées perdent de leur force, on relativise, on ressent qu’on arrive au bout de quelque chose. Au fur et à mesure, l’ensemble des membres de la foule se rendent progressivement à l’évidence. On stagne un moment, on s’essouffle. La fête est finie, faut songer à ranger et à nettoyer, puis à aller dormir.

Mais plus souvent, malheureusement, la foule est immature et part dans un délire fatal, dans une accélération ultime qui pour nous autres cryptomaniaques, paraît tellement banale : la bulle.

Le paroxysme du Bull market : la Bulle

Impossible de ne pas l’évoquer lorsqu’on parle des cryptos. La bulle, c’est l’état paroxystique du marché, qui ne finit que d’une seule manière : le krach.

La bulle, c’est donc l’état orgiaque du marché : tout va bien, c’est l’euphorie totale, plus rien ne peut arrêter le mouvement. Tonton-René-PMU-bons-plans se vante sur les forums d’avoir acheté du Bitecogne. Orthographié comme ça dans une tentative d’humour. Voire du Cognebite, quand il est créatif. C’est comme quand il parlait de Face de Bouc il y a trois ans.

Conclusion, une éruption soudaine d’expressions de beaufs est un indicateur de la maturité du cycle de marché.

Plus sérieusement, c’est une période où le newsflow est ultra positif : on enchaîne les bénéfices records, les analystes de marchés vous expliquent que tout va dans le bon sens, les mass-medias relatent du “phénomène”, bref… L’attention générale est focalisée sur l’actif, les stimulus tournent à plein. Cela doit vous rappeler, sans doute, cet état d’esprit dans lequel nous étions lorsque le Bitcoin cotait à +15 000$ ? Vous êtes peut-être même arrivés dans le monde des cryptos à ce moment là, convaincus que c’était LE moment.

On identifie techniquement la bulle par la « parabolisation » du cours. On a une poussée verticale de bougies de plus en plus longues, sur un temps bien plus court que la phase de hausse précédente, accompagnée par de gros volumes, qui s’amenuisent dans la phase haute de la poussée du cours. On dessine sur la chart une parabole. En général, une bulle technologique, ça finit par un leader d’opinion convaincu du « nouveau paradigme ». McAfee était formel, pourtant:

“Parabolisation” du cours, gros volumes (récessifs en fin de pattern), leader d’opinion qui s’enflamme, puis krach. On coche toutes les cases de la bulle de marché.

Qui alimente cette frénésie acheteuse ? Le marché, c’est un jeu de contreparties, il y a donc des vendeurs qui alimentent Tonton Cognebite. Ce sont les grosses mains et les quelques spéculateurs malins qui sont en train de vendre de manière distillée. Soudainement, sans raisons vraiment solide, la volatilité revient sur de gros volumes de ventes paniques. Premier sell-off. Le particulier rachète, « Buy the dip », « Cé une korection seine » ; il l’a lu sur Twitter.

Ça remonte un peu. Beaucoup. Mais pas autant. Oups, double top un peu bancal. Et pop 💦, la bulle éclate.

C’est le KRACH. C’est la manière la plus brutale d’évacuer les excès. Il casse tout le délire et les gens reviennent à la réalité subitement. C’est le seul état du marché où l’on passe directement de la psychologie du bull à la psychologie du bear, sans transition, dans une succession affreuse de moments d’espoirs et de désespoirs, où tout le monde dit tout et son contraire, agit au gré des vagues d’émotions. C’est la débâcle.

Et là, on change de psychologie. Bienvenue dans le bear market.

Le BEAR market

En un mot, c’est un étiolement.

Le marché fond littéralement, les capitalisations se rétractent comme un vieux fruit desséché. C’est la traduction concrète du fait que la foule fuit, parce qu’elle a perdu confiance dans la capacité du marché à faire un truc naturel pour elle : monter, aller toujours plus loin.

C’est un état terrible du marché, parce qu’il met l’être humain dans son mode négatif. C’est difficile pour lui à supporter psychologiquement. Son biais naturel, c’est la hausse, le progrès. L’idée de régresser, de baisser, de renoncer à des facilités, à des rentes, ça le met dans un véritable inconfort. Même si c’est douloureux mais nécessaire, tel un acte médical. Il préférera l’illusion qui le rassure à la réalité qui le dérange.

Cet état de marché active tout ce qu’il y a de plus négatif chez l’être humain : la peur, la fuite, la paranoïa, etc… Il devient mauvais et réagit selon des émotions puissantes et impulsives : il est en colère, il déprime, il rage quit, etc… C’est pour cela que se succèdent dans cette période des phases de rallies, parfois puissants, suivis par des chutes paniques.

Selon le fonctionnement des individus, ceux à « causalité externe » ont comme d’habitude le réflexe de dire que c’est la faute de Wall Street, du Ministre de l’Économie, des autres qui sont idiots avec leurs graphiques bearish, alors que EUX avaient prédit du positif, alors que LA news était là, etc… En réalité, ils ont tout simplement fait n’importe quoi. Ceux à « causalité interne » se flagelleront de suite, se diront qu’ils sont nuls, qu’ils le sentaient venir, qu’ils sont pas fait pour le trading… Alors qu’ils avaient factuellement vu juste. Bref, la confusion règne. Tout cela n’est que la manifestation de la perte de la confiance (en soi et/ou envers l’autre). Et la confiance, c’est la base pour avoir des interactions sociales stables. C’est pour ça qu’il est plus difficile de lire le marché, et qu’on a des charts plus volatils en phase baissière.

Le passage en bear market, c’est en fait le moment où la psychologie du groupe se renverse :

Là où il était imprudent par défaut, il devient prudent ;

Là où il était confiant par défaut, il se méfie de tout ;

Là où il était optimiste par défaut, il devient pessimiste.

En plus d’être difficile à supporter, c’est un état d’esprit particulièrement tenace. C’est le principe du traumatisme.

En psychologie, il a été démontré que le négatif impacte toujours plus fortement l’individu que le positif, à « force égale » de l’événement. Pourquoi à la télé est-ce qu’on nous gave de « situations tendues » ? Pourquoi l’homme politique vous dit que le citoyen est inquiet, qu’il a peur ? Hop, on active les récepteurs de la menace, qui mobilisent pleinement l’être humain.

Le marché bearish amplifie les mauvaises nouvelles. Quand on a peur, on fuit ou on adopte un comportement défensif. Et ça, ça fait prendre des décisions radicales, impulsives, voire extrêmes. Est-ce que c’est quand vous avez peur que vous prenez vos plus intelligentes décisions ? Que vous vous dites spontanément « après tout, on a de bons fondamentaux et c’est sous payé ». Non, la préoccupation est d’abord d’écarter le danger (perçu ou réel). Ainsi, tous les arguments sont bons pour faire baisser le marché. Même les arguments haussiers ! Good news is bad news.

De manière générale, le bear market se déroule dans un roulement des deux logiques suivantes :

  • en mode brutal, avec des pics de volume qui proviennent des moments de panique collective, où d’un coup un nombre suffisant de gens se mettent à vendre, ce qui déclenche les autres au bord du passage à l’acte, etc… Et d’un coup ça va chercher les stops sous les supports, ces derniers cèdent, puis ça dégringole, dans un effet boule de neige.
  • en mode perte d’intérêt. Le marché chute sous son propre poids, faute d’acheteurs. Comme une voiture en roue libre dans une pente qui finirait par descendre toute seule, si on ne touche à rien. On n’a pas de volumes, sinon quelques pics qui traduisent les renoncements successifs de gens qui sortent du marché, lentement mais sûrement.

Pensez que l’on retrouve une proportionnalité dans chaque phase de marché. Au plus le bull market a été puissant, au plus derrière il faut s’attendre à ce que ça s’effondre salement. Le marché corrige les excès par des excès. C’est comme un mauvais lendemain de soirée : au plus vous avez picolé pour vous rendre euphorique, au plus sera dure à vivre la gueule de bois le lendemain.

Abordons maintenant le pendant baissier de la bulle : le krach.

Le krach : entre panique et déprime

Dans un marché “normal”, on ne passe pas en tendance baissière directement. On passe d’abord par une phase de stagnation au sommet, où on aplatit la courbe, on hésite, avant que suffisamment de monde accepte que ce soit effectivement la fin, puis de passer en mode nounours.

Le krach, c’est donc le seul cas où l’on passe directement d’une psychologie bullish à une psychologie bearish :

Il se déroule en trois phases :

  • la phase panique, rapide et très verticale ;
  • le phase du retour de l’espoir, qui se manifeste par un rally haussier fortement accentué (comme pour se rassurer, façon déni), ou par une grande structure d’hésitation, avec une volatilité pas possible, mais sans jamais reconquérir les principales résistances ;
  • la phase de dépression, (très) longue, qui est le craquage de trop, et qui s’épuise dans une lente pente baissière jusqu’à finir à plat, en mode “traversée du désert”.

Le Bitcoin en est un exemple typique :

La phase de panique, c’est donc le renversement soudain de la psychologie. La foule est surprise, conséquence d’un choc suffisamment violent pour casser son euphorie. C’est souvent provoqué par un événement exogène, ou par un simple effet d’épuisement de la force acheteuse incapable de soutenir cet accroissement exponentiel. C’est très vertical, on efface rapidement de grosses portions graphiques.

Et c’est surtout pour ça que nous autres spéculateurs adorons les situations de craquement baissier des marchés : c’est l’opportunité de gros gains rapides.

La baisse du marché est bien évidemment entrecoupée de mouvements de hausse. Dans un marché baissier “normal”, on parlera de mouvements de contre-tendance. Dans le cas d’un krach, c’est la deuxième phase dite du “retour de l’espoir”. Les fondements psychologiques sont proches pour les deux cas de figure, on les confondra donc ici par souci de concision.

Le plus traître en Bear market : la contre-tendance et le faux-espoir

Cette contre-tendance se manifeste dans un mouvement souvent brutal et soudain. C’est la simple traduction de la psychologie de l’espoir, qui est puissante chez l’être humain. “L’espoir fait vivre”.

Elle est constituée de :

  • petits malins, souvent des particuliers un peu kamikazes, qui se disent « Oh a se pri cé donné, j’achèt ». C’est un peu comme les gens qui achètent n’importe quoi dans le magasin juste parce qu’il y a une promotion de 30% sur l’article. On appelle ça les bargain hunters dans le jargon ;
  • qui sont rejoints ensuite par d’autres, un peu déprimés mais qui y croient encore, pour des raisons légitimement argumentées, ou du moins considérées comme valables par la foule, et qui fournissent l’essentiel de la contrepartie acheteuse du mouvement. C’est souvent là où vous vous situez 😉 ;
  • enfin, et c’est ceux qui en réalité contrôlent l’impulsion, les pros. Ils font deux choses : ils rachètent leurs gros volumes de ventes à découvert dans des périodes où il y a relativement peu d’offre en face. Donc les prix montent vite. Ils attendent aussi de laisser venir le prix là où ça les arrangent, poussés par les catégories précédentes. C’est pour cela qu’on retrouve des figures chartistes de consolidation avec des ratios qui nous parlent : 50%, 61,8%, 76,4% etc… Ces ratios dits de Fibonacci sont universellement utilisés pour aménager le risque, de surcroît dans des contextes algorithmiques. Les résistances majeures ne sont toutefois jamais cassées.

C’est une phase difficile à trader en général, parce qu’elle est fulgurante. Elle peut être très volatile, n’avoir aucune logique fondamentale, on est pris par des états contradictoires, on réagit à tout dans tous les sens… Ajoutez à ça des algos qui eux lisent le marché sans biais psychologiques, et vous avez la machine à REKT idéale.

La phase 3 : la dépression

Une fois que la foule a suffisamment épuisé ses motifs d’espoirs, les prétextes à s’accrocher et autres incantations sacrées, on entre dans la phase de dépression, qui est celle des renoncements successifs qui se traduisent par la lente agonie de la chart.

Tant que vous voyez avec abondance sur les réseaux sociaux et dans la presse généraliste que la foule ressasse les mantras du moment, du genre “non mais accumulation Wyckoff là”, “non mais on passera pas les 100m$ de market cap sur le Bitcoin”, ça y est, CAPITULATION”, “Non mais ETF bientôt, BAKKT et 80 000$ fin d’année”, “non mais Start-Up Nation ils ont dit” ( tout en ayant un mal de chien à ouvrir un compte bancaire quand vous faites de la blockchain…) vous savez qu’on est dans la phase d’espoir.

C’est une phase qui dure très longtemps. C’est un épuisement, au sens fort du terme. On pourrait dire que la Capitulation (la vraie, pas celle évoquée chaque semaine par Cryptotwitter), c’est justement quand les gens ne sont plus là pour en parler.

La dépression s’arrête quand ? Quand on a touché le fond. Il arrive un point où on ne va pas plus bas, autrement c’est la mort. Le dernier bull a capitulé, il n’est plus en état de tenir la position, il a cramé son capital.

De là, on stabilise. On se prend en main. « Plus jamais ça, ça n’en vaut pas la peine ». « Je ne suis pas fait pour trader ». Nous avons souvent ce genre de réflexions personnelles à ce moment là. On commence à remonter la pente, doucement. Un peu plus. Et puis on stagne à nouveau. C’est le moment de la reconstruction, dans un cadre assaini à la fois de toutes les illusions et de l’acception du traumatisme. En fait, le trader avisé lira des bouquins sur le processus de la dépression et de comment s’en sortir, c’est en gros la même chose sur le marché.

Pourquoi le Bear market c’est long et ça donne le sentiment d’être un truc dont on ne s’extirpe jamais ?

Déjà, parce que les situations qui font mal, par définition, durent toujours trop longtemps. Les échecs et les pertes sont plus difficiles à vivre que les gains et les réussites. Vous remarquerez votre tendance à davantage vous souvenir du moment où vous avez pris un carton, plutôt que du super coup que vous avez fait. Ensuite, parce qu’à contrario du contexte haussier, la marché a tendance à avoir une mémoire dans les phases baissières. C’est le mécanisme du traumatisme qui se rappelle à vous. Là où ça nous importe peu dans un contexte haussier, parce qu’on voit le potentiel de tout plein d’opportunités, le poids du passé compte ici beaucoup plus dans les décisions du trader. Les gens adoptent une attitude sélective, font un retour aux fondamentaux, aux actifs refuges. Ils ne payent qu’une qualité démontrée. Il faut du temps pour retrouver la confiance et pour s’autoriser à prendre des risques à nouveau.

Le point culminant de la psychologie bearish, c’est lorsqu’à la fois l’environnement n’est plus propice à la confiance et que la foule est dans un consensus pessimiste.

Si vous croyez à l’avenir de l’actif, c’est là qu’il faut acheter avec votre rationalité de trader ! Bah oui, qui a envie en ce moment d’acheter des projets qui ne sont que des peut-être sans sécurité financière ni juridique ? Qui a envie d’investir dans un secteur qui a chuté de 90%, et dont 95% des projets sont morts, voire de pures arnaques ? Et pourtant, rationnellement, 90% de décote, c’est une super promotion.

La fin du bear market se constate graphiquement par une longue phase sans tendance. Un arrêt de la volatilité, un moment de vide, un errement. La foule s’est dissipée.

Le Bear market, cette période purificatrice

Finissons sur une touche de relativisation. Le bear market, c’est pas bien ? Quand on le prend avec du recul pourtant, c’est génial ! C’est une purge salvatrice. C’est le vomi qui soulage après une cuite. La spéculation, c’est la substance éthylique qu’il convient de purger pour retrouver un état normal.

Et vous l’aurez compris : si le Bull market, c’est comme une soirée, le Bear market, c’est comme un lendemain de soirée.

C’est un moment « bas les masques », un retour aux réalités, aux fondamentaux, à la vérité, à l’authentique, mais qui est très dur à vivre au fur et à mesure de la purge de toutes ces belles illusions et autres délires. Tout ce et ceux qui ne valaient rien ont été éliminés, décrédibilisés. La fonction efficiente du marché, dans toute sa splendeur. Vous avez désormais déterminé qui et ce qui est réellement solide… Et ça fait bien peu, du reste. Seulement ceux qui construisent des projets viables. Les escrocs refleuriront au printemps, bien sûr. Mais cette fois-ci, vous ne vous laisserez plus avoir. 😊

Vous savez maintenant qui tient la route. Vous avez compris que dans le marché, on ne cherche pas les plus performants, mais les plus solides et les plus réguliers.

« On ne voit qui a nagé nu seulement à marée basse», W. Buffett

Si vous êtes encore là, bravo ! Vous vivez une expérience unique, celle d’un cycle de marché complet en mode accéléré. Vous avez les wallets plein de deadcoins dont vous espérez secrètement qu’ils re-pumperont un jour, bien que les développeurs ne donnent plus signe de vie. Mais c’est une leçon qui en valait sans doute le prix. Vous avez dû en apprendre beaucoup sur vous-mêmes. Vous avez expérimenté les pires attraits de votre profil psychologique, vous avez vécu successivement l’avidité, l’euphorie du gain, la panique, le faux-espoir, puis l’échec crû et cruel. Vous savez maintenant comment vous réagissez par rapport aux aléas du marché, et vous avez toute la matière pour travailler sur vous-mêmes. Maîtriser votre psychologie personnelle, c’est vous mettre dans les meilleures conditions pour ne pas vous faire avoir par l’influence de la foule. De la même sorte que de bien maîtriser sa langue maternelle permet de mieux apprendre une langue étrangère.

Ce qu’il vous manquait, c’était peut-être un point sur la psychologie du marché de manière générale. Ces histoires de taureau et d’ours, c’est d’abord une histoire d’être humains grégaires qui répètent les mêmes procédés psychologiques, et dont il convient de connaître les bases afin de trader efficacement.

Vous avez désormais compris l’importance de trader en toute indépendance, avec son cerveau, en conscience de ses limites et de ses failles, avec un plan et des arguments factuels. Sinon, l’irrésistible foule finira un jour par vous précipiter dans l’abîme. On peut gagner en étant dans la foule, pendant un petit moment… Mais on finit surtout par perdre, beaucoup, dans un optimiste béat, si on ne sait pas prendre du recul vis-à-vis d’elle ni l’analyser.

Le trader, c’est celui qui a un coup d’avance sur les autres… Et savoir lire la foule, c’est clairement se donner cet avantage.

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